Saint-Godard a repris vie. Depuis 2020, entre les missions d’avent, les messes plus nombreuses et les journées du patrimoine, l’église tout le temps fermée dont on ne pouvait que deviner du dehors la parure de vitraux, est redevenue ouverte et accueillante. Nombre de Rouennais ont pu la découvrir. La destruction d’un bâtiment voisin, en dégageant une place au midi, permet désormais non seulement de très bien voir l’édifice mais encore le dote d’un véritable parvis propice aux assemblées.
La première tombe de Godard le Franc
Qui imaginerait aujourd’hui, en plein centre-ville, qu’il y eut d’abord une modeste chapelle en vue de Rouen mais encore à la campagne ? Déjà au début du VIe siècle, soit à l’époque de Clovis, roi des Francs, il y avait ici une petite église. Elle était consacrée à la Vierge Marie et se trouvait en dehors des murailles gallo-romaines qui étaient plus au sud, la petite rue des Fossés Louis VIII en conservant aujourd’hui encore le souvenir. En 522 c’est là que fut inhumé l’archevêque de Rouen Godard, Gilardus en latin. Fils d’un noble franc, Godard fut le premier titulaire du siège de Rouen à ne pas être d’origine gallo-romaine. Si nous ne connaissons que peu de choses de sa vie, nous savons néanmoins qu’il prit part en 511 au concile d’Orléans. Plus de 30 évêques de la Gaule désormais franque se réunirent alors à l’initiative de Clovis qualifié de « fils de la Sainte Église ». Celui-ci, lors de son baptême une dizaine d’années auparavant, avait fait le choix, décisif, de la foi catholique et non, comme tant d’autres monarques barbares, de l’hérésie arienne qui rejetait la divinité du Christ. Le roi nomma désormais les évêques mais sans chercher à se poser en chef de l’Église. Au siècle suivant, en 644, un autre archevêque fut enterré ici, saint Romain, qui devint à son tour le patron de la ville. Mais environ deux siècles plus tard l’empereur carolingien Charles le Chauve fit transférer à Soissons les reliques de saint Godard et peut-être aussi une partie de celles de saint Romain. Ce qui resta à Rouen de ces dernières fut à une date incertaine déposé à la cathédrale et non plus à Saint-Godard. Mais le vocable demeura. Il témoigne de la capacité de la foi chrétienne à s’étendre et à intégrer de nouvelles populations, aux Ve et VIe siècles, les Francs, un peuple germanique qui avait progressivement conquis la Gaule.
Des églises qui se succédèrent ici, nous ignorons presque tout avant la fin du XVe siècle. Tout au plus savons-nous qu’en 1122 le duc de Normandie et roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt inclut toute cette zone dans le périmètre de sa nouvelle enceinte et qu’en 1248 un incendie détruisit le bâtiment. Mais c’est dans la seconde moitié du XVe siècle, après la guerre de Cent Ans, que l’on entreprit une nouvelle reconstruction qui nous valut l’église que nous connaissons.
Une église faite pour être vue
À la différence de beaucoup d’autres églises rouennaises, Saint-Godard fut bâtie de manière à pouvoir être vue sous tous les angles, comme nous pouvons de nouveau l’admirer aujourd’hui. C’est un vaste bâtiment à trois nefs parallèles, destiné à recevoir un nombre important de fidèles. La façade avec ses trois pignons et son portail principal était dès l’origine visible de la rue mais les côtés étaient complètement dégagés, aucune maison ne venant s’appuyer sur eux. Au Nord, la place Saint-Godard avec une porte latérale, au Sud, une autre entrée qui a conservé des vantaux de porte sculptés du XVe siècle avec les armoiries du sénéchal de Normandie et capitaine du château, Louis de Brézé dont le tombeau est à la cathédrale dans la chapelle de la Vierge. Là s’étendait le cimetière paroissial, soit un espace découvert entre Saint-Godard et Saint-Laurent, l’actuel musée Le Secq des Tournelles. A l’Est, si les nefs Nord et Sud se terminent par un mur pignon, celle du centre s’achève par un chevet à trois pans, sur la rue.
Le simple tour de l’église suffit à se rendre compte du soin apporté à sa reconstruction par des paroissiens qui n’avaient pas ménagé leurs deniers. Comme rien ne dissimulait les différentes faces de l’église, il ne pouvait être question d’en laisser une sommairement construite. Les deux portails latéraux sont ornés avec soin, les deux angles de la façade comportent des niches délicatement ouvragées pour recevoir des statues et chacune des nombreuses baies est destinée à laisser passer le plus possible de clarté.
Les archives ne permettent pas de dater le début de la reconstruction, sans doute vers la fin du XVe siècle probablement en commençant par la crypte. Les plus anciens des comptes conservés, à la fin des années 1520, laissent entrevoir l’inachèvement du chantier avec encore des commandes de pierre mais aussi les travaux de charpente et de pavage, pour la « chapelle neuve ». On s’occupe aussi des vitraux. L’église est encore quasi neuve lorsqu’elle est dévastée par les calvinistes maîtres de Rouen pendant plusieurs mois de 1562. Il faut alors la remettre en état. Mais le bâtiment n’est pas encore achevé. Il lui manque un véritable clocher. Elle n’en est dotée qu’en 1612. La marque de la Renaissance tardive y est discrètement visible avec des pilastres et des chapiteaux ioniques. Désormais l’allure extérieure de l’église est celle que nous pouvons encore voir, à l’exception du portail principal refait au XIXe siècle et pourvu de statues lors de la grande restauration de l’église.
En 1791, la mise en œuvre de la réforme imposée à l’Eglise par l’assemblée législative révolutionnaire conduit à un regroupement des paroisses rouennaises jugées trop nombreuses. Des deux églises voisines, Saint-Godard et Saint-Laurent, laquelle va disparaître ? Les paroissiens de l’une et de l’autre essaient de sauver la leur. C’est Saint-Godard, en mauvais état, qui est sacrifiée. Mais deux ans plus tard, la persécution révolutionnaire du catholicisme signifie la fermeture de toutes les églises subsistantes. Saint-Godard est dépouillée de son mobilier et aussi d’une partie de ses vitraux. Lorsque le culte y reprend en 1806, c’est avec peu de moyens mais la taille du bâtiment a poussé à le réutiliser de préférence à Saint-Laurent. L’église est succursale de Saint-Patrice. Il faut attendre 1829 pour que Saint-Godard redevienne paroisse, ce qu’elle reste jusqu’au regroupement de la fin du XXe siècle. Peu s’en est fallu ensuite que l’église qui n’intéressait plus personne à part les organistes, fût désacralisée et devînt une annexe du Musée ou de la Bibliothèque. C’est après la première vague de la pandémie de la covid 19 que Saint-Godard a repris vie, lorsque le nouveau curé, le P. de La Tousche en a fait le pivot des missions pour rechristianiser le centre-ville. Plus de 10 000 personnes y sont venues lors de l’Avent et du temps de Noël 2020.
De la crypte à la lumière : les saints protecteurs de Rouen
L’espace intérieur est vaste et lumineux, les nefs faisant 71 m de long. Vingt-quatre baies dont certaines très grandes, permettent à la clarté de se répandre. Les arcades dépouillées à moulures prismatiques séparant la nef principale des deux autres donnent une impression de légèreté avec un effet de colonnade. Ce sont les surfaces de pierre nue au-dessus des arcs qui deviennent aujourd’hui un double mur d’images projetées lors des missions. Dans chaque nef, la voûte est en bois, en carène renversée, avec des poutres transversales. Elle a été restaurée en 1902. Dans la nef principale, un crucifix forme une poutre de gloire sous laquelle a été établi l’autel lors de la dernière réforme liturgique. Au bas de la nef, se trouve maintenant une chaire mobile du XVIIe siècle, venue, dit-on, de Saint-Sever.
Sous le clocher, la chapelle des fonts baptismaux forme un bel ensemble, lui aussi du XVIIIe siècle, avec des lambris, les bancs, la cuve baptismale et son couvercle. Dans la nef Nord, des piliers du clocher à l’autel de saint Joseph, différents ex-voto montrent que dans des temps d’angoisse et de détresse à la fois individuelle et collective, on est venu prier ici : en 1871 devant la Vierge (Notre-Dame des Victoires !), en juin 1940 devant saint Antoine de Padoue, sous l’occupation devant saint-Joseph. Le 2e vitrail à partir de l’autel de saint Joseph rappelle comment lors d’une épidémie de peste frappant la ville, une procession fut organisée par la confrérie du Saint-Sacrement qui occupait une place importante dans la paroisse.
Derrière l’orgue de chœur, s’ouvre l’escalier menant à la crypte. Celle-ci est en style gothique flamboyant, voûtée sur croisée d’ogives avec un pilier central. Traditionnellement, elle était ouverte aux fidèles lors de l’office du Jeudi Saint et la messe y était dite lors de la Saint-Romain. Même si au XVe siècle, les corps de saint Godard et de saint Romain avaient été retirés depuis longtemps, le souvenir de leur présence demeurait vivace.
L’attachement des Rouennais à saint Romain s’est particulièrement manifesté dans cette église. La plus grande verrière de la nef Nord fut offerte en 1540 par Richard Le Caron, sieur du Fossé. Elle raconte la vie du saint évêque, en cinq compartiments verticaux que l’on appelle des lancettes, et sur 4 niveaux ou registres. Tout en haut, le registre 4 nous montre, de gauche à droite, saint Romain capturant la gargouille, un monstre vivant non loin de la ville, avec l’aide d’un criminel puis exorcisant un temple de Vénus. Dans le troisième registre, nous assistons au miracle des saintes huiles puis à l’efficace intervention du saint qui arrête la crue de la Seine. Le deuxième représente la messe miraculeuse de saint Romain puis le roi Dagobert accordant le privilège de la fierte. Enfin, le registre inférieur montre la levée de la fierte par le condamné gracié. Ce vitrail fut déposé en 1802 et stocké dans l’ancienne abbatiale Saint-Ouen, mais seule une partie fut rendue, de surcroît en mauvais état, à Saint-Godard après la réouverture du culte. Il fallut refaire les têtes de la plupart des personnages et recomposer un tympan, la partie supérieure de la verrière, à l’intérieur de l’arc, avec des fragments d’autres vitraux. Un récent acte de vandalisme frappant la registre inférieur a ajouté un nouvel épisode à cette histoire tourmentée et rend une nouvelle restauration bien nécessaire.
Au milieu du XIXe siècle, on peignit de part et d’autre de la grande verrière les armoiries de la Normandie et de Rouen. La municipalité de Rouen offrit en 1857 et 1859 deux vitraux dont l’un manifeste la dévotion de la cité envers son saint patron. On y voit notamment la procession de la fierte Saint-Romain jusqu’à la place de la Haute Vieille Tour, telle qu’eut lieu jusqu’à la Révolution. Dans le gracieux édifice Renaissance accolé aujourd’hui encore à la Halle aux Toiles, le condamné à mort gracié par le roi à la demande du chapitre devait, avant d’être libéré, soulever la chasse du saint.
La fermeture révolutionnaire avait été funeste à une grande partie des verrières de Saint-Godard. Dans la nef nord n’avaient survécu que celle de la vie de Saint-Romain et celle voisine des apparitions du Christ ressuscité. Toutes les autres durent être remplacées. C’est ainsi que l’église fut dotée de tout un ensemble de vitraux XIXe siècle de qualité, dus pour la plupart à la maison parisienne Gsell, ainsi celui dit des Mères et celui de la musique. Ce fut un des aspects de la remise en état de Saint-Godard qui s’appliqua particulièrement au sanctuaire.
La nef centrale et le chœur ou deux siècles d’histoire de l’Eglise
Le vaisseau central de Saint-Godard donne à voir de manière saisissante un peu plus de deux siècles d’histoire de l’Eglise dans notre pays. À la différence de Saint-Patrice avec son somptueux dais du XVIIIe siècle au-dessus du maître-autel, on y chercherait en vain un mobilier antérieur à la Révolution, hormis peut-être le lutrin dont nous ignorons la provenance exacte et certains des confessionnaux. Lorsque l’abbé Chefdeville prend possession de l’église, il n’y trouve presque plus rien. À la réouverture du culte après le Concordat de 1802, les curés des paroisses voisines avaient prélevé sur l’église fermée tout ce dont ils avaient besoin. Leurs successeurs firent la sourde oreille aux demandes de restitution.
Ce ne fut pas avant les années 1850 que démarra, sous le Second Empire avec des pouvoirs publics bienveillants, une remise en état générale de l’église. Elle fut lancée par l’abbé Lanchon qui fit restaurer la voûte de bois et surtout donna au sanctuaire sa forme actuelle. C’est par cette partie de l’église que commencèrent les commandes de nouvelles verrières. La baie centrale, dans l’axe du tabernacle du maître-autel représente le Christ d’abord crucifié, au registre inférieur, puis en gloire, à celui supérieur. Le motif du char de triomphe, repris des vitraux de la Renaissance, est une référence évidente à ceux de Saint-Patrice et de Saint-Vincent (Sainte-Jeanne d’Arc aujourd’hui). Le vitrail de gauche raconte la vie de saint Godard. On le voit siéger au concile d’Orléans (évoqué plus haut) et sacrer un autre évêque, probablement saint Lô, de Coutances. Le vitrail de droite est celui de saint Laurent, le patron de l’église voisine, toujours visible mais désaffectée, représenté en train de comparaître devant un empereur romain. Ces trois verrières sont dues au peintre d’histoire Pierre-Jules Jollivet et au maître verrier Pierre-Charles Marquis.
Puis l’abbé Lanchon fit appel à un jeune peintre breton, Alphonse Le Hénaff (1821-1884) dont il avait sans doute vu à Saint-Eustache de Paris la série de peintures murales racontant la vie de ce saint et réalisées en 1855. De part et d’autre du maître-autel, sous les vitraux, en 1857 Le Hénaff a représenté Le sacerdoce chrétien prédit, exercé et transmis par Melchisédech et Jésus transmettant le sacerdoce à ses Apôtres. La commande est originale, saisissante même : le sacerdoce traverse les âges, du mystérieux Melchisédech « prêtre du Dieu Très Haut » et roi de Salem, qui vint à la rencontre d’Abraham victorieux avec le pain et le vin avant de le bénir, jusqu’au célébrant montant à l’autel réitérer le sacrifice du Christ en prononçant les paroles de la consécration. Peu après, Le Hénaff poursuit dans la même inspiration à Notre-Dame de Bon Port à Nantes où il peignit pour le sanctuaire trois scènes de l’Ancien Testament préfigurant l’eucharistie.
De telles peintures appelaient un nouveau maître-autel manifestant la continuité profonde des deux Testaments. C’est celui que réalisa le sculpteur rouennais Bonet (qui travailla pour de nombreuses églises rouennaises, dont Saint-Gervais). Il fut mis en place en 1879, dix après l’arrivée de l’abbé Petit comme curé. Bien visible, en haut de plusieurs marches, il conjoint la table d’autel surmontée du tabernacle mais aussi d’un véritable retable. C’est l’Ancien Testament, plus précisément l’exode du peuple d’Israël sous la conduite de Moïse, qui est représenté. Deux panneaux sculptés sont disposés de part et d’autre du tabernacle : Les Hébreux recevant la manne dans le désert et Les envoyés de Moïse lui présentant les grappes de vigne de la Terre promise. Le message est clair : Dieu nourrit son peuple, d’abord par la manne quotidienne du désert puis par les fruits du sol de la Terre promise, autant de préfigurations de l’Eucharistie. Le devant d’autel représente au centre la dernière Cène quand le Christ annonce la trahison de Judas, à droite les pèlerins d’Emmaüs sont sur le point de reconnaître le Christ et à gauche la Vierge reçoit la communion des mains de saint Jean.
L’ensemble du sanctuaire fut ceint de grilles en fer forgé. On y installa des stalles et un orgue de chœur. Du côté gauche de la nef au dernier pilier avant le chœur fut installée une belle et aérienne chaire de style néo-gothique. Due au sculpteur lillois Buisine-Rigot, elle exprimait la fécondité de la parole divine : Jésus était représenté au sommet, les Evangélistes et saint Godard qui diffusèrent son enseignement étaient en-dessous, tandis que les panneaux de la cuve montraient la parabole de la semence dans les diverses sortes de terre et que l’ensemble reposait sur des arcades fleuries et des nervures de feuillages. La générosité de certains des fidèles ne fut pas moins importante que l’impulsion donnée et maintenue par les curés successifs. En 1884, c’est grâce à Monsieur et Madame Delahaye qui avaient déjà financé chaire et maître-autel, que l’abbé de Beauvoir put achever le rééquipement de son église par un nouvel orgue. La tribune fut érigée par l’architecte Sauvageot L’instrument, construit par Cavaillé-Coll – comme celui du chœur – fut inauguré avec faste le 8 mai 1884 par Charles-Marie Widor, l’organiste de Saint-Sulpice à Paris et un compositeur réputé.
Le mobilier du sanctuaire et de la nef demeura inchangé jusqu’à la réforme liturgique d’après le concile Vatican II. Le maître-autel cessa d’être utilisé au profit d’un nouveau installé plus près de la nef, donc des fidèles. Les grilles disparurent et surtout la chaire monumentale fut détruite, un simple ambon avec un micro en tenant lieu désormais.
Après un temps d’étiolement puis d’abandon, une autre période encore s’est ouverte en 2020 avec les missions qui ont non seulement permis de rouvrir l’église mais encore de faire de la nef un double mur d’images en mouvement. Grâce à Edel Spectacles, sous la direction de Jean Lebeuf, la projection de photographies sur les parois sans ornementation entre les arcades gothiques et la voûte de bois a permis d’animer la nef centrale et de la transformer en un catéchisme plein de vie et de couleurs avec en 2020 les fresques de Giotto représentant la naissance du Christ et en 2021 les mosaïques contemporaines du P. Marko Rupnik, jésuite, montrant Jésus guérissant les corps et les âmes. La nuit venue, l’image animée prend le relais des verrières dont la plus belle se trouve dans la nef Sud.
La nef Sud : Marie, de l’attente d’Israël au temps de l’Église
Marie est plus particulièrement chez elle dans la nef Sud de Saint-Godard. Elle y a son autel sous l’immense vitrail représentant l’arbre de Jessé. Cette verrière est non seulement datée, de 1506, mais encore signée, par le maître-verrier Arnoult de Nimègue. Robert de la Mare et ses enfants furent les donateurs de cette très ample composition qui retrace toute la promesse divine d’un sauveur faite à Israël jusqu’à l’incarnation du Christ. Cinq lancettes parallèles et 3 registres superposés abritent 19 personnages situés à différents niveaux de l’arbre. Dans le registre inférieur, au-dessus d’un soubassement de motifs décoratifs avec les armoiries des donateurs, Jessé figuré comme un prince de la Renaissance est assis. La racine de l’arbre est bien visible au-dessus de sa tête. La ramure s’épanouit ensuite. Elle conduit à Marie portant dans ses bras l’Enfant-Jésus dans la lancette centrale. Tous les personnages ne sont pas identifiés, mais on repère parmi eux le roi David, reconnaissable à sa harpe, entre Jessé et Marie. Le tympan est peuplé d’anges, les uns adorateurs, les autres musiciens, sur fond rouge. Dieu le Père est représenté tout en haut de la composition. Démonté en 1802, envoyé à Saint-Ouen, ce vitrail fut ensuite remis en place à Saint-Godard et plus tard encore restauré par la maison Gsell.
Le mur du pignon dans lequel il est inséré a été orné, par Le Hénaff, de trois étages de peintures de chaque côté. On y trouve notamment des femmes fortes de l’Ecriture Sainte, ainsi Esther et Judith. Juste à droite, le vitrail de la Vie de Marie est en partie du XVIe siècle. En-dessous se trouve le tombeau des deux frères de Becdelièvre, représentés agenouillés en statues de marbre blanc (XVIIe siècle) : Charles qui était militaire et Pierre, premier président de la Cour des Aides (l’actuel Musée de la Faïence est dans son hôtel). Il nous rappelle que beaucoup de magistrats habitaient sur la paroisse.
Les autres vitraux de la nef Sud ont été produits entre 1852 et 1867 par la maison Gsell.
L’actualité n’en est pas absente : au bas du vitrail de saint Vincent de Paul deux médaillons montrent les membres de la Conférence Saint-Vincent de Paul fondée à Rouen en 1841 et la grande baie occidentale, de 1867, est consacrée à la toute récente proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854 par le pape Pie IX. D’une extrémité à l’autre de cette nef particulièrement lumineuse, Marie est présente.
Le mobilier comporte un autel en style néo-Renaissance offert en 1891 par un paroissien et réalisé par le menuisier Morel et le sculpteur Onésime Geoffroy. La porte du tabernacle représente le Sacré-Cœur. Deux œuvres originales achèvent la décoration de l’église : le chemin de croix de Charles Zacharie (1903) inspiré des visions de la mystique allemande de l’époque romantique Anne-Catherine Emmerich (béatifiée en 2004) et, au bas de la nef Sud, la mosaïque de Gaudin datée de 1929, montrant la dernière communion de Jeanne d’Arc qui lui fut donnée par un dominicain, alors même qu’elle avait été déclarée hérétique et schismatique par ses juges. Le château où fut détenue Jeanne d’Arc était précisément sur le territoire de la paroisse.
Saint-Godard se signale par la lumière qui y règne dès que le soleil donne : délicate clarté des matins de Pâques ou profusion des après-midis passant, elle-aussi, à travers les verrières. Il y règne une atmosphère colorée et chaleureuse. Et lorsque la nuit est venue, lors des missions, ce sont d’autres couleurs encore qui se succèdent sur les murs de la nef centrale.